James Norton, un acteur pas comme les autres
Cécile Mury
Publié le 10 décembre 2021
James Norton, à Paris, novembre 2021. Photo Jérôme Bonnet pour Télérama
John, modeste laveur de carreaux condamné par une maladie grave, cherche sans relâche une famille d’adoption pour son petit garçon, avant qu’il ne soit trop tard. Si, malgré ce résumé crève-cœur, Un endroit comme un autre, d’Uberto Pasolini n’a rien d’un mélo sirupeux, c’est en grande partie grâce à l’interprétation dense et réservée de James Norton.
Un charisme “en dedans”
Pourtant, lorsque l’occasion se présente de le rencontrer en personne, de passage à Paris pour la promotion d’Un endroit comme un autre, il confirme l’intuition que l’on éprouve devant chacun de ses personnages : James Norton n’est pas un acteur comme un autre. Sa beauté classique se tient comme en retrait, au profit d’une intense douceur, d’une élégance discrète, presque méditative. Une forme de charisme « en dedans », parfaite pour le rôle de John, le pudique laveur de carreaux. « Uberto Pasolini insistait sur une performance contenue, a minima. Ça m’a tout de suite séduit, explique-t-il. En général, on vous demande toujours d’en faire “plus”. Or, je pense que si le personnage est bien écrit, bien filmé, tout ce que vous avez à faire est de rentrer en vous-même. Le reste passe par le regard. »
Des émotions palpables, mais cachées, comme le petit caillou noir que le réalisateur lui a donné, la veille du tournage. « Il m’a dit : “Ce n’est pas un film sur la mort, mais sur un homme en train de mourir, et sur la nécessité de chérir le temps qui reste, auprès de ceux qu’on aime. Mais je veux que la mort soit malgré tout présente dans chaque scène, symbolisée par le poids de ce caillou dans ta poche.” Je l’ai gardé, jusqu’à aujourd’hui.»
À demi-mot, James Norton reconnaît qu’il aimerait ne tourner que des films d’auteurs de ce genre, des œuvres fortes, personnelles, mais économiquement fragiles. « Peu importe le médium, télévision ou cinéma, productions industrielles ou artisanales. Seuls comptent la valeur du personnage, du scénario, et le regard du réalisateur. Ceci dit, ne soyons pas naïfs : il est de plus en plus difficile de financer des films exigeants comme celui-ci. »
Entre Hollywood et l’Angleterre, son CV dessine une forme d’intégrité, et un désir constant de se renouveler, du mari indigne (pour ne pas dire pire) de Dans les angles morts, sur Netflix, à la série américaine fantastique The Nevers sur HBO, du cinéma le plus indépendant (L’Ombre de Staline, d’Agnieszka Holland) aux séries télé anglaises (Happy Valley, Guerre et Paix et, bien sûr, le prêtre de la série Grantchester, auquel il est particulièrement attaché). « Tous les rôles laissent leur marque, mais ceux que vous avez joués au long cours, durant des années, deviennent une sorte de seconde peau, de véritables compagnons. »
Diplômé de Cambridge
Dans sa quête de « compagnons », James Norton évite seulement les plus évidents, ceux dans lesquels son physique de jeune premier aristocratique pourrait l’enfermer. « Dans mon pays, il y a cette obsession pour les rapports de classes, cette fascination archaïque pour la hiérarchie, maîtres et serviteurs, ceux d’en haut et ceux d’en bas. C’est pour cette raison que des séries comme Downton Abbey marchent si bien. Certains de ces rôles sont intéressants, mais j’ai toujours eu peur de m’y laisser piéger, étant donné que j’ai été formé dans une école catholique à l’ancienne, et que j’en ai hérité une attitude, une diction, qui ont souvent attiré ce genre de propositions. »
Né à Londres, mais élevé dans le Yorkshire par des parents enseignants, James Norton ne s’est pas contenté d’une école catholique. Il a ensuite obtenu un diplôme de… théologie à Cambridge.
Une « empathie » que James Norton mettra bientôt au service de Freegard, de Declan Lawn et Adam Patterson, d’après l’histoire vraie d’un escroc qui se faisait passer pour un agent du MI-5. Un film que l’acteur a produit lui-même, avec sa société Rabbit Track Pictures, « une expérience nouvelle, gratifiante et terrifiante » en attendant, peut-être, rêve-t-il à voix haute, « de passer un jour à la réalisation ».
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